Pour une photographe comme Valérie Toulet qui a déjà un long parcours derrière elle, quelques suspends sont nécessaires pour préciser ce qui est déjà à l'œuvre
dans le travail et attend un prolongement. Les expositions sont des moments propices pour cela et dans la dernière en date, elle a choisi de montrer quatre photographies
choisies.
L'économie de ce choix éclaire le travail d'une manière particulière et ces quatre images présentées affirment une grande unité. Les formats varient et pourtant
leur parenté est évidente. Cet air de famille vient probablement du fait que dans chacune d'elle, quelque chose de la peinture vient se mêler au photographique. Aperçues de loin dans la salle
d'exposition, les images oscillent entre les deux statuts. De plus près, l'ambiguïté est levée mais la première impression ne l'est pas, le pictural s'impose dans ces images et ceci pour
plusieurs raisons.
Il apparaît d'abord dans la manière particulière dont la photographe structure le champ du visible : peu ou pas de profondeur, les lignes de fuites sont
courtes. L'œil vient très vite buter et rebondir sur un mur qui le ramène en avant, comme pour lui imposer de regarder ce qui est au premier plan et de ne pas aller se perdre dans des lointains.
Il y trouve un agencement maîtrisé de lignes et de formes qui suggèrent un décor, le cadrage a isolé un fragment d'espace qu'il ramène à la surface au profit de l'assemblage des figures et des
motifs. Comme c'est souvent le cas dans la peinture, ici la photographie semble avoir opté pour la pose contre la fugacité de l’instant et choisir le non-temps de la fixité du modèle.
Enfin la qualité des tirages sur métal donne une grande précision au rendu des matières. A la manière de certaines natures mortes, l'une des photographies se
présente comme une variation de la couleur blanche à travers les nuances des différents supports : bois carrelages plastiques enduits muraux...il semble que l'on touche en même temps que l'on
voit.
Valérie Toulet structure ainsi le champ du visible pour ramener le spectateur dans la portion d'espace étroite qu'elle a cadrée. Mais si cette réduction est
imposée, elle n'est pas pour autant une limite pour l'imaginaire ; au contraire la densité prépare à une meilleure concentration du regard sur le type de zones intermédiaires qu'elle donne à
voir. Ces lieux résistants à la profondeur sont souvent des seuils. Ils hésitent entre intérieur et extérieur ou bien ils jouent de la confusion entre les deux situations. Ainsi dans un salon de
coiffure, le miroir du fond reflète la rue derrière l'objectif en donnant une profondeur illusoire à la scène. Ceci semble amuser le modèle, appartenant à un autre espace temps qui rit dans son
encadrement de poster mural.
Les portes, centrales dans d'autres photographies, refusent de s'ouvrir davantage et on s'interroge sur ce qui reste derrière et qui ne sera pas dévoilé. Cette
invitation à se faire indiscrets nous renvoie à nous mêmes, à la nature de notre regard, à notre capacité à inventer une histoire à partir des données de l'image : c'est le cas avec la
photographie à contre jour de l'atelier de peinture.
Quatre photos choisies donc, comme des figures complexes d'espace temps où se mêlent intérieur extérieur, ici et là-bas, avant et maintenant, peinture et
photographie.
Monique Larrouture Poueyto
Pau le 14 mars 2016